Communiquer sur les Jeux Olympiques sans embûches.

Les enseignements de l'affaire Prime Hydratation c. Comité Olympique Américain.

3,05 milliards de téléspectateurs uniques pour l’édition de Tokyo selon le CIO1. Et tendanciellement pour celle en cours à Paris.

Pour les entreprises, il s’agit de l’opportunité rêvée pour gagner en notoriété ; d’autant que les pratiques de mécénat et/ou de partenariat sont désormais bien intégrées par les quelque 206 délégations et 15.000 athlètes participant aux jeux de Paris.

Retour sur les réflexes à avoir en tête afin de profiter de ces opportunités.

Pour vous garantir la plus grande précision, les parties juridiques du présent billet ont été rédigées par Maître Tristan Girard-Gaymard, avocat associé du cabinet Bruzzo Dubucq2, que nous remercions chaleureusement.

L’intransigeance des comités Olympiques

Rappelons, en préambule, que les différentes fédérations nationales et surtout les différents comités olympiques sont extrêmement protecteurs des propriétés intellectuelles liées, de près ou de loin, aux Jeux olympiques.

Même la marque Prime Hydratation, succès fulgurant ayant révolutionné le marché de l’energy drink (plus de 1,2 milliard de dollars de chiffre d’affaires pour sa deuxième année d’exploitation – soit déjà plus de 10% du chiffre d’affaires boissons de Red Bull, pourtant installée sur le marché depuis plusieurs décennies), portée par deux célébrités américaines (Logan Paul et KSI), n’y a pas échappé.

Tout récemment, le comité olympique américain a, en effet, assigné la start-up en justice pour l’utilisation non autorisée des termes « Olympic » (« Olympique »), « Olympian » (« Olympien »), « Team USA » (« équipe USA ») et « Going for Gold » (« la quête de l’or »), enregistrés en tant que slogan par le comité et réservés à son partenaire officiel The Coca-Cola Company.

Même des termes a priori communs sont protégés. Que faire ?

Dans quelle mesure est-il possible de communiquer sur les Jeux olympiques sans être partenaire officiel ?

En droit français, l’« ambush marketing » (ou marketing de guérilla) désigne une pratique publicitaire au terme de laquelle une entreprise cherche à associer son nom ou ses produits à un événement médiatique sans en être un sponsor officiel.

Cette stratégie vise à tirer profit de la visibilité de l’événement sans payer les droits de parrainage. Elle peut se manifester de diverses manières, telles que :

  1. La publicité de proximité : placement des publicités autour du lieu de l’événement ;
  2. La publicité détournée : utilisation des symboles, des couleurs, ou des expressions associées à l’événement sans mentionner explicitement celui-ci ;
  3. Les événements parallèles : organisation d’activités ou d’événements en marge de l’événement principal pour attirer l’attention des médias et des participants.

En France, cette pratique est prohibée par plusieurs textes de loi, et notamment :

  1. Le Code de la propriété intellectuelle, qui protège les marques, logos, et autres éléments identitaires des événements ;
  2. Le Code de la consommation, qui interdit la publicité mensongère et trompeuse ;
  3. Les règlements spécifiques des événements sportifs : Par exemple, les grandes compétitions sportives comme les Jeux olympiques ou la Coupe du Monde de football ont des règles strictes pour protéger leurs sponsors officiels.

Au regard de la dimension mondiale de l’évènement olympique, le CIO se repose sur les comités nationaux afin de le représenter, de développer, de promouvoir et de protéger l’évènement olympique dans chaque pays.

Le traité international de Nairobi adopté en 1981 et ratifié par une cinquantaine d’États dans le cadre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle prévoit d’ailleurs l’engagement des États parties à assurer la protection des symboles olympiques.

En France, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) est le représentant du CIO, Chaque CNO est responsable dans son pays du respect des règles de la Charte olympique et se doit de prendre toutes mesures nécessaires pour contrôler l’usage illicite des propriétés olympiques.

Chaque CNO est donc le garant de la protection des propriétés olympiques sur son territoire, peu important que les Jeux se déroulent dans un autre pays (Charte olympique, Principes fondamentaux de l’olympisme, chap. 1er).

Le CNOSF tient ses droits de la Charte olympique ainsi que du droit français, lequel accorde une protection aux propriétés olympiques via le Code du sport.

Conformément à l’article L. 141-5 de dernier, le CNOSF est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire, pour le CIO, des emblèmes, du drapeau, de la devise, du symbole, de l’hymne olympique, du logo, de la mascotte, du slogan, des affiches des Jeux, de « Paris 2024 », des termes « Jeux olympiques », « olympisme », « olympiade », des sigles « JO » et des termes « olympique » et « olympien ».

Le CNOSF a la faculté d’en interdire l’usage non autorisé, y compris les imitations. Les exceptions prévues par ce texte sont très limitées et concernent principalement l’utilisation de termes liés à l’olympisme dans leur sens courant, à condition que cette utilisation ne soit pas promotionnelle ou commerciale. Des dispositions similaires existent concernant les propriétés paralympiques.

Même si l’ambush marketing peut s’apparenter à une simple stratégie publicitaire, la jurisprudence le qualifie de faute qui peut être sanctionnée aussi bien sur le fondement du Code du sport que de l’article 1240 du Code civil.

Le Tribunal judiciaire a ainsi jugé que l’ambush marketing consiste en un comportement « traduisant une volonté évidente de s’inscrire dans le contexte des opérations de communication menées avec l’utilisation de références aux symboles olympiques par les opérateurs économiques qui y ont été autorisés moyennant un investissement financier, et dans l’intention de susciter l’intérêt du consommateur dont l’attention est potentiellement mobilisée par la couverture médiatique dont bénéficient les épreuves, ce qui caractérise des actes de parasitisme » (TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 19 avr. 2019, n° 18/00264).

Par ailleurs, si l’ambush marketing consiste dans l’usage non autorisé d’un signe protégé par le Code de la propriété intellectuelle, il prend alors la forme d’un acte de contrefaçon qui, non content d’être une faute civile, constitue également une infraction pénale.

Nous rappelons, enfin, que, comme sur tous les actes de concurrence parasitaire, un préjudice basé sur le gain indu retiré par le fautif peut être recherché en justice non seulement par les ayants droit, mais aussi par les concurrents lésés du fautif.

Les effets néfastes de l’ambush marketing sur l’efficacité du sponsoring peuvent être exacerbés par plusieurs facteurs contextuels. En effet :

  1. La notoriété respective des marques : l’intrusion d’une marque engagée dans une stratégie d’ambush marketing est d’autant plus préjudiciable pour le sponsor officiel qu’elle bénéficie d’une notoriété supérieure ou comparable. Cette dynamique concurrentielle directe peut éclipser la visibilité du sponsor légitime.
  2. La maturité du partenariat : les partenariats récents sont particulièrement vulnérables à l’ambush marketing. En effet, plus l’association entre la marque du sponsor et l’événement est récente, moins elle est ancrée dans la perception du public. L’intrusion d’un tiers peut ainsi fragiliser un lien encore fragile.
  3. L’importance stratégique de l’événement : lorsque l’événement constitue un pilier central de la stratégie de communication du sponsor, l’impact de l’ambush marketing est démultiplié. Toute atteinte à la visibilité de la marque sur cet événement est susceptible d’engendrer des conséquences significatives en termes d’image et de réputation.
  4. La périodicité de l’événement : les événements ponctuels sont des terrains de jeu privilégiés pour les pratiques d’ambush marketing. La concentration médiatique et l’attention du public étant maximisées sur une courte période, les opportunités d’intrusion sont plus nombreuses et plus efficaces.

Devenir partenaire officiel : comment rédiger un contrat de sponsoring ?

Il est donc d’autant plus important d’effectuer une communication officielle, encadrée par un contrat de sponsoring. Il est important de connaître les principales clauses d’un contrat de sponsoring.

Le cœur du contrat de sponsoring réside dans la définition précise des droits concédés au sponsor. Ces droits, généralement décrits dans l’objet du contrat, doivent être détaillés dans une clause spécifique précisant leur nature, leurs supports, leurs conditions d’exploitation et leur durée.

  1. Exclusivité : la question de l’exclusivité, cruciale, doit être clairement définie par secteur d’activité ou catégorie de produits. Elle peut être étendue (sponsor-titre, sponsor maillot) et prend généralement la forme d’une interdiction pour le sponsoré de concéder des droits similaires à des tiers. Une clause de post-exclusivité peut être envisagée, mais doit être limitée dans le temps.
  2. Exploitation de l’image et des signes distinctifs : le sponsor peut exploiter des droits de label, la dénomination et le logo du sponsoré sous réserve de l’accord préalable de ce dernier.
  3. Droits d’accès : le sponsor peut bénéficier d’accès VIP lors d’événements et d’espaces dédiés pour des opérations commerciales.

Le sponsor s’engage à verser une rémunération, généralement forfaitaire et échelonnée, pouvant être complétée par des primes liées à des résultats ou à une exposition médiatique. Une rémunération en nature est possible sous réserve de facturation et de TVA.

De son côté, le sponsoré s’engage à ne pas porter atteinte à l’exclusivité accordée au sponsor. Il doit également assurer la visibilité du sponsor sur différents supports et participer à des opérations de relations publiques définies dans le contrat. Enfin, le sponsoré s’engage à éviter tout comportement pouvant nuire à l’image du sponsor.

En cas de litige : comment faire valoir un contrat de sponsoring ?

Malgré toutes les précisions précédentes, il arrive que les contrats signés ne soient pas (correctement) respectés.  Il appartient alors au sponsoré de faire valoir ses droits devant les juridictions compétentes.

Pour ce faire, leur conseil juridique devra caractériser et sourcer l’ensemble des inexécutions ou mauvaises exécutions du contrat de sponsoring.

Une fois la faute établie, il conviendra de quantifier les dommages économiques subis du fait de la rupture (illicite) d’un contrat de sponsoring.

Au premier chef, ces dommages concernent les produits officiels spécifiquement créés dans le cadre du contrat de sponsoring, et devenus invendables.

Techniquement, il convient de chiffrer un gain manqué correspondant à la différence entre la marge sur coûts variables qu’aurait réalisée la société si elle avait pu vendre les produits officiels, et la marge (le plus souvent négative) réellement réalisée.

Mais, pour un événement de l’ampleur des Jeux, l’essentiel du dommage réside dans la perte de chance de bénéficier de meilleures ventes sur l’ensemble des produits de la société du fait du surcroît de visibilité qu’aurait dû apporter le sponsoring.

Pour ce faire, il convient de mettre en œuvre des techniques économétriques permettant d’estimer un « effet Jeux Olympique » à partir des ventes et des bénéfices constatés sur des sociétés concurrentes (mais ayant bénéficié de la visibilité conférée par les Jeux).

Une fois cet effet déterminé, il est possible de reconstituer le chiffre d’affaires qu’aurait réalisé la société lésée grâce à la visibilité obtenue pendant les Jeux, et d’en déduire un préjudice par différence avec le chiffre d’affaires réellement réalisé par cette dernière.

Au reste, la rupture illicite peut, si elle est particulièrement médiatique ou virulente, entraîner un préjudice d’image pour la société lésée.

En synthèse:

Le département Disputes de Outmatch est spécialisé, entre autres dans le secteur du sport et du divertissement. Nous saurons vous accompagner sur les problématiques de chiffrage de tous vos litiges.

Pour plus d’information, n’hésitez pas à contacter arnaud.cluzel@outmatch.fr

 

 

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