Force de dissuasion et demi-réparation
Dans leur article, les fondateurs observent notamment que : “En France, la justice privilégie une logique réparatrice. Dans notre cas, la justice a annulé les décisions frauduleuses et nous avons perçu chacun 50.000 euros de dommages et intérêts pour notre préjudice moral. Mais si l’on compare le coût des dommages et intérêts pour les fraudeurs (100.000 euros en cumulé) au gain potentiel de leur fraude (avec le rachat forcé de nos actions, valorisées à 2,7M euros en cumulé), on constate qu’il y avait littéralement beaucoup plus à gagner qu’à perdre. La sanction réparatrice n’est par essence pas dissuasive, et elle l’est encore moins quand on la rapporte aux moyens des personnes concernées dans cette affaire.”
En réalité, si la logique réparatrice avait été parfaitement respectée, les fondateurs auraient dû être indemnisés de leur perte de chance de jouir d’une meilleure valorisation de leur start-up (du fait des années de développement perdues jusqu’à la décision de justice, et des exactions commises sur la trésorerie de Solendro).
Les instances judiciaires ne permettent pas moins à ces comportements de prospérer lorsqu’elles se montent trop conservatrices dans l’octroi des réparations.
Au cas particulier, la difficulté réside dans l’exercice de valorisation d’une start-up, porteur d’une incertitude intrinsèque que l’instance judiciaire peut facilement interpréter comme l’impossibilité pure et simple de quantifier le dommage.
Les limites des méthodes de valorisation classique
Classiquement, une entreprise est valorisée selon une approche multicritère comprenant (i) l’analyse des flux financiers futurs qu’elle est capable de générer à l’aune de ses résultats historiques (dite méthode DCF), (ii) l’analyse de valorisations de sociétés comparables et (iii) l’analyse du patrimoine de la société.
Or, dans le cas d’une start-up, (i) l’historique peut-être est non représentatif ou insuffisant pour projeter des flux financiers futurs, (ii) la très forte incertitude sur l’évolution de la société limite fortement le recours à des comparables, et (iii) la société n’a, par définition, pas ou peu de patrimoine.
En outre, ces approches se fondent généralement sur une notion de juste valeur de marché (“fair market value” ou ‘“objective-abstract value”) peu applicable à une start-up : dans le cadre d’une augmentation de capital par exemple, une start-up essuie beaucoup plus de refus d’investisseurs qui la valorisent à 0 (ou presque) que de propositions d’investissements.
De sorte, que la valeur de marché d’une start-up tende vers 0. Les investisseurs désireux de monter au capital considèrent en fait une valeur intrinsèque subjective (“intrinsic value” ou “subjective-concrete value” à la société, un potentiel/une option de développement.
Bien que cette valeur intrinsèque puisse être parfois approchée par des méthodes classiques, des méthodes plus adaptées ont été développées depuis la fin des années 80 (et l’apparition des start-up).
La méthode Venture Capital
La méthode Venture Capital a été développé à Harvard au milieu des années 80.
Il s’agit d’une méthode réalisée du point de vue d’un investisseur, afin de déterminer une valeur dite ‘“postmoney”.
La logique de valorisation est la suivante :
- détermination d’une valeur de sortie cible par approche classique (souvent par DCF ou par multiple de CA/ d’EBITDA) en considérant la réussite de la start-up ;
- détermination d’un multiple d’investissement cible : =(1+r)t / (1-p) avec r, TRI cible, t l’horizon d’investissement et p risque de faillite de la société.
- détermination de valeur postmoney = (valeur de sortie cible x ratio de rétention du capital / multiple d’investissement cible). Le ratio de rétention permettant de tenir compte des potentielles dilutions sur la durée d’investissement.
Les méthodes optionnelles
L’application de la valorisation par les options réelles aux start-up date de la fin des années 90, mais cette méthode était déjà utilisée pour évaluer de nombreux projets à retournement avec risque limité (par exemple valorisation d’une mine d’or par rapport au coût d’exploration de cette mine, ou du potentiel commercial d’un médicament par rapport au budget de R&D alloué).
Cette méthode consiste :
- à assimiler la start-up à une option financière ouvrant à la possibilité d’achat d’une action (le cash burn de la start-up correspond à la prime de l’option, la durée de ce cash burn à la maturité de l’option, etc.) ;
- à appliquer le modèle de valorisation des options financières pertinent – le modèle plus plus utilisé étant le modèle Black-Scholes-Merton (ou dérivés).